J E U D I   1   J U I L L E T  2 0 0 4
TAUROMACHIE

Duel à l'épée entre les Manzanares
Malgré (ou grâce à) leurs relations difficiles,
le père et le fils ont toréé ensemble à Alicante.

Alicante envoyé spécial
anzanares party in Alicante.
Pour faire mousser leurs problèmes familiaux, les célébrités ont généralement le choix des shampoings : l'édition, les revues people, les plateaux télé.
Chez les Manzanares, on choisit les toros.
Jeudi dernier, grand jour de la Feria d'Alicante, les Manzanares père et fils invitent dans leur salle à manger : les jolies arènes de la route de Villafranqueza gérées par Pedro, frère de l'un et oncle de l'autre.
Au menu : le règlement de menus contentieux tauromachico-familiaux devant 15230 témoins, plus la télévision.
Animateurs du débat : les toros de Daniel Ruiz.
Argument : l'alternative du jeune torero local Francisco José Palazon, co-apodéré par l'ancien (et modeste) torero El Niño de Las Monjas, «l'enfant des bonnes sœurs», et par le fameux Gonzalito, ex-valet d'épées de Curro Romero, négociant taurin et marchand de jambons.
Vrai motif: le règlement à coup de naturelles et de kikirikis de quelques problèmes d ego.
Final cut envisagé : la mort taurine du père, renvoyé à ses pantoufles par le fils, ou l'écrasement taurin du fils par le père.
Lèche-bottes. Deux Josémari Manzanares sur le ring, ça ferait un de trop et les archéologues des pistes ont réfléchi au cas de figure. Résultat des fouilles : sauf cas d'alternatives, celles des Litri et de Camino par leurs pères respectifs à Nîmes, il faut remonter à Cuchares et à son fils Currito, autant dire au crétacé supérieur, pour voir un père et un fils dans une même corrida.
Manzanares père, qui serait revenu cette année à la tauromachie à cause de son fils, n'a pas hésité dans les interviews à dire son agacement devant le tour que prenait la carrière débutante de ce rejeton qui lui a échappé. Il croirait trop que c'est arrivé, il vivrait au milieu d'une sorte d'ivresse de succès ( ? ) et il aurait autour de lui un chœur de lèche-bottes qui l'encenseraient quoi qu'il fasse. Cela dit, «Josémari sera toujours mon fils et moi son père» et, à Alicante, «ni lui ne me mettra le bain, ni moi le ne lui mettrais». Ben voyons.
Donc autour de cette corrida en forme de psycho-drame beaucoup de morbo, de curiosité mal placée, dénoncée assez hypocritement par les protagonistes.
Le morbo, c'est une affaire qui roule. Ça remplit les arènes, ça rapporte des pépettes et ça attire la télévision.
Jeudi, au moment du paseo, le patio de caballos est plein comme un œuf un jour d'omelette. Photographes, télés, badauds, admirateurs, vrais amis, faux familiers, grosses tapes dans le dos et les inévitables «dis bonjour à la caméra».
Le chef de la police municipale doit faire le vide pour dégager les Manzanares avant de se faire fièrement photographier entre eux.
Et Palazon? Un counifle, un accessoire de plateau. Personne pour lui pincer la joue. Aux plantes vertes, on ne pince pas la joue.
A l'entrée de la piste juste, avant le paseo, Manzanares père ira lui serrer la main pour mieux embrasser ostensiblement son fiston alors qu'ils viennent de passer vingt minutes collés l'un à l'autre dans le patio. Grosse ovation, explosion de l'Audimat.
Camionneur. Mais le concept propose et le toro, comme principe de réalité, dispose.
Et le toro ici se nomme Principe, il est premier toro de la course, le toro de l'alternative du faire valoir Palazon et il est bravo, mobile, racé et sa classe renverse l'enjeu.
Palazon le prétexte devient le sujet de l'histoire en toréant lentement, avec beaucoup de temple, de précision, d'élégance, de calme et de toreria, cet excellent toro qu'il a brindé à son père, un simple camionneur. Bingo: Il coupe les deux oreilles. Principe fait une vuelta posthume.
Et les deux Manzanares? Ils tombent sur des toros faibles ou mous ou courts de charge et sans jus et qui n'ont pas lu le script. Ils ne permettent ni de triompher, ni de faire sortir l'autre du reality show.
Manzanares senior fera une démonstration de savoir-faire technique face au très réservé Marismeño, brindé sous le regard de ses deux filles à ses deux fils et à son père Pepe. Il le couillonnera (le toro, pas son père) en lui donnant d'abord la sortie par le haut pour ne pas le décourager puis, en baissant de plus en plus la main et en allongeant les passes. Ensuite, parce qu'on le sentait plein d'une sorte de rage, il se mettra entre les cornes de Hablador qui n'avait quasiment pas de charges pour, avec l'ardeur d'un novillero, faire oublier son âge, 51 ans, et toréer contre sa nature de torero de l'harmonie. Une oreille plus arrachée que coupée.
Son fils aussi jouera d'abord contre sa nature de torero de classe froide en accueillant à genoux, aporta gayola, la sortie de Puñolero. Un toro éteint et brusque à qui il tirera d'estimables naturelles. Il se bagarrera longtemps dans une faena inégale mais acharnée avec Belicoso, qui était noble mais très faible. Il le tue d'une grande estocade. Une oreille. Le public demande en vain la seconde. Sortie en triomphe du loft pour le seul Palazon.
u
J
ACQUES DURAND

La feria de Fenouillet à guichets fermés
Castella et Rincon se sont distingués lors de l'événement toulousain,
qui a fait le plein pendant trois jours.

Toulouse envoyé spécial
a deuxième Feria de Fenouillet, près de Toulouse, a commencé par un joli petit western judiciaire.
En début de semaine, l'association Alliance pour la suppression des corridas engage une procédure en référé auprès du tribunal de Toulouse pour demander l'annulation des Corridas.
Mais elle se trompe d'adversaire et assigne l'association Tolosa Toros, qui n'est pas organisatrice. L'Alliance est déboutée le mercredi, mais relance un référé contre la mairie de Fenouillet et la société organisatrice de Robert Margé et Didier Lacroix.
L'Alliance est à nouveau déboutée vendredi, à quelques heures de la première corrida où Sébastien Castella coupera une, une et deux oreilles dans son mano à mano avec Javier Conde.
Conde, qui ne coupera rien, remplaçait Enrique Ponce, grièvement blessé à Alicante. Castella sortira en triomphe avec l'éleveur Juan Pedro Domecq.
Samedi, on espère que deux ou trois toros de Torrestrella auront un peu de la caste et de l'agressivité de leur congénère Chiflado devant qui, à Madrid, César Rincon avait dû sortir le grand jeu. Rien de tout cela.
Sous la canicule toulousaine, les Torrestrella sont des chiques molles. Ils n'ont pas plus de cornes que de pattes. Ils prennent tous une seule pique et ouvrent la bouche d'épuisement dès la première passe de muleta.
Les trois premiers sont à la limite de l'invalidité et les toreros Rincon, Castella et Matias Tejela peuvent juste essayer de les faire durer un minimum en les toréant avec des pincettes, par le haut, dans des combats (sic) aussi allégés que des yaourts.
Castella ajoute un final tremendiste. Le président sort un mouchoir. On croit que c'est pour s'éponger le front. Non, une oreille.
Le quatrième toro a plus d' allant. Rincon lui donne de la distance, l'embarque à droite et à gauche dans une faena bien structurée mais sans profondeur. Il ne peut pas vraiment baisser la main dans la passe, mais ça ressemble à une faena. Une oreille.
Castella, très facile, en coupera une également devant le cinquième Torrestrella, après une faena type. Début culotté avec passes dans le dos, finale ojediste avec un toro fade qui n'avait plus de charge et, au milieu, des passes ajustées pour aider le Torrestrella à poursuivre mais sans courir vraiment la main. Le toro n'aurait peut-être pas eu la force de répondre à un toreo plus vaste et, de toute façon, Castella torée ainsi.
Tejela sera insignifiant devant un toro encore plus étouffé que le petit concerto pour trompes de brume, sifflets et klaxons, joué au loin par une trentaine d'anticorrida.
Dimanche, El Fundi a confirmé sa grande forme et coupé deux oreilles à un Miura.
Les arènes ont affiché complet les trois jours, et le projet de les construire en dur est lancé.
u
J.D.

Coups de corne
Jeudi 24 à Badajoz, Antonio Ferrera donne l'alternative à Javier Solis, coupe trois oreilles, mais prend un coup de corne de 7 cm dans la cuisse droite.
Samedi à Alicante, Padilla prend un coup de corne de 28 cm dans la cuisse gauche, se fait un garrot avec sa cravate et finit son combat.
Gravement blessé le 22 à Alicante (coup de corne de 25 cm dans la cuisse droite et fracture de la clavicule droite), Ponce sera absent tout le mois de juillet.
Très grièvement blessé à Séville le 20 juin (coup de corne de 35 cm et rupture de la fémorale), le novillero Curro Sierra est hors de danger.

Lauriers
Le 24 à Algeciras, une et une oreille pour El Cid.
A Saint-Sever, dimanche, grande course des novillos de Fuente Ymbro, avec vuelta posthume pour deux d'entre eux. Luis Bolivar et Juan Carlos Cubas (une et une oreille chacun) sortent en triomphe avec le régisseur de l'élevage.
Lundi à Burgos, gros succès d'El Fandi, deux oreilles et pétition de queue.

Julito Aparicio blanchi
Le tribunal constitutionnel espagnol a relaxé Julito Aparicio.
Il avait été condamné à 30000 euros d'amende par le tribunal supérieur de justice d'Andalousie pour avoir, en 1996 à Ubrique, refusé de tuer un toro de l'élevage de Jesulin. Motif avancé par Aparicio : le toro, qui aurait dû être combattu initialement à Cuenca, avait, du fait des manipulations des divers voyages, «pu modifier son comportement, rendant de fait son combat impossible», et qu'il avait «dû dans l'intervalle être toréé clandestinement». Ce dont il avait averti les autorités dans les arènes d' Ubrique.

TOROS Y FOTOS.COM